La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a annoncé jeudi la suspension "sine die" du péage de transit poids lourds, donnant de facto le coup de grâce à ce dispositif controversé et désamorçant une mobilisation potentiellement dure des transporteurs routiers.
Au terme d'une rencontre de près de trois heures entre Ségolène Royal, le secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies, et les fédérations de transporteurs routiers, le péage de transit poids lourds, redevenu "écotaxe" dans la bouche de la ministre, a connu un nouveau report.
"Nous avons décidé, premièrement, de suspendre sine die le dispositif d'écotaxe, deuxièmement de créer un groupe de travail (...) troisièmement, d'intensifier la recherche de solutions sur la situation économique et sociale globale du secteur", a affirmé Mme Royal à l'issue de cette rencontre.
Les fédérations de transporteurs routiers ont aussitôt annulé leur mouvement.
"On peut dire qu'on a gagné, puisqu'on a enfin en face de nous deux ministres qui ont pris la mesure du sujet", a réagi Aline Mesples, présidente de l'OTRE, fédération à l'origine des manifestations qui avaient mené à la suspension de l'écotaxe à l'automne 2013.
"Nous avons accompli un pas décisif", s'est également réjoui Nicolas Paulissen, délégué général de la FNTR, évoquant les "négociations serrées qui ont abouti à cette décision".
"Enfin le bon sens prévaut", ont salué dans un communiqué la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs.
Pour la Fondation Nicolas Hulot, ce dossier est "en passe de devenir un scandale financier d’ampleur pour l'Etat", tandis que France Nature Environnement est "extrêmement en colère d'avoir une ministre de l'Ecologie qui n'a pas compris que la fiscalité écologique est un levier puissant pour faire payer le pollueur".
Pour le Premier ministre Manuel Valls, "c'est une décision sage car le dispositif était devenu incompréhensible".
Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), s'est dite "tout simplement scandalisée", tandis que l'ancienne ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) a jugé que Ségolène Royal "assassin(ait)" l'écologie.
- 'Beaucoup d'anomalies' dans le contrat -
"On prend acte des difficultés concrètes qui se posent dans les entreprises et qui, si elles étaient appliquées comme ça, de façon aveugle, pourraient menacer l'emploi", a justifié la ministre.
"Entre le manque à gagner d'un contrat que de toute façon on va remettre a plat (...) et le coût financier, économique, social, d'une grève ou d'un blocage d'infrastructures importantes pour le pays, le choix est vite fait", a-t-elle ajouté.
Pour Ségolène Royal, le contrat signé par le gouvernement Fillon avec Ecomouv', consortium franco-italien chargé de la mise en place de l'écotaxe et de sa collecte, à qui doivent être versées 40% des recettes du péage de transit, pose "quand même un problème", et comporte "beaucoup d'anomalies".
Elle en souhaite la remise à plat, arguant que le gouvernement "n'est pas non plus (obligé) d'accepter des choses manifestement disproportionnées".
Interrogée sur le coût d'une rupture du contrat avec Ecomouv', qui serait de près d'un milliard d'euros, elle a refusé d'avancer un chiffre, se reposant sur le lancement d'une "expertise juridique", afin de déterminer "quelles sont les responsabilités".
Une enquête sénatoriale avait conclu, en mai dernier, que le partenariat public/privé a été mené de façon régulière, mais que la complexité du système a conduit à des surcoûts.
A Metz, des représentants des 200 salariés d'Ecomouv' se sont dits "abasourdis" et "dégoûtés". La question sera évoquée lors d'un comité d'entreprise (CE) qui pourrait être convoqué en urgence ces prochains jours.
- Les autoroutes dans le viseur -
Sans les près de 400 millions d'euros que devait rapporter le péage aux collectivités et à l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF), il va désormais falloir trouver un autre moyen pour financer les infrastructures de transports.
Les sociétés concessionnaires d'autoroutes, dans le viseur du gouvernement depuis la publication en septembre d'un rapport de l'Autorité de la concurrence, qui faisait état d'une situation de "rente", pourraient bien être invitées à mettre la main à la poche.
Ségolène Royal a invoqué leurs "super profits", et un "sentiment d'injustice qui justifie qu'on prenne le temps de mettre à plat qui paie quoi dans l'usage des infrastructure".
"Ma priorité reste le prélèvement du profit des autoroutes", a-t-elle déclaré dans l'après-midi, lors d'une conférence de presse consacrée à son projet de loi sur la transition énergétique.
Le ministre de l'Economie Emmanuel Macron avait annoncé mardi que les pistes mises en avant par l'Autorité de la concurrence allaient être étudiées, et que des propositions seraient remises au Premier ministre dans les prochaines semaines.
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